La vitrine des acquisitions Hiver 2024 Régulièrement, la vitrine du vestibule de l’hôtel Turgot se garnit d’une nouvelle sélection parmi les œuvres récemment acquises par la Fondation Custodia. 1. Dominique Vivant Denon (Chalon-sur-Saône 1747 – 1825 Paris), Autoportrait avec un bonnet de nuit, vers 1780 Eau-forte. – 73 mm (diam.)Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-P.25 Cet hiver, c’est d’abord le visage rond et rayonnant du jeune Dominique Vivant Denon (1747-1825) qui attire l’attention (fig. 1). Vêtu d’un bonnet de nuit, l’homme au sourire espiègle nous montre du doigt, comme s’il venait de faire une blague à nos dépens. Une impression rare de l’un des premiers autoportraits de Denon, qui se distingue par son attitude amusante. Denon, qui avait alors environ 30 ans, était loin de se douter qu’il deviendrait l’un des acteurs les plus importants du paysage culturel de son époque. À la fois graveur, écrivain, diplomate et archéologue, il fut nommé premier directeur du Louvre par Napoléon. 2. Odoardo Fialetti (Bologne 1573 – 1638 Venise), Trois hommes grimaçants, dans Tutte le parti del corpo humano, 1608 Eau-forte. – 110 × 154 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-P.62(17/38) Les trois hommes grimaçants nous lancent un regard plein de défi (fig. 2). Leurs visages capricieusement contorsionnés font partie du manuel de dessin d’Odoardo Fialetti, Tutte le parti del corpo humano (1608). Incluant une variété d’études anatomiques, de postures, ainsi que de typologies de visages humains, les images rassemblées dans cet album étaient vouées à être copiées par les artistes en herbe. La publication de Fialetti – un rare exemplaire dans son état d’origine – est un ajout bienvenu dans la collection de la Fondation Custodia, qui possède un riche fonds de livres à dessiner. 3. Jacob Gole (Paris 1665 – 1724 Amsterdam) d’après Cornelis Dusart (Haarlem 1660 – 1704 Haarlem), Portrait de Charles Maurice Le Tellier, archevêque de Rheims, dans Les Héros de la Ligue ou la procession monacale, 1691 Mezzotinte. – 143 × 106 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2022-P.81(5/26) Ces trois trognes ne sont dépassées dans leur bizarrerie que par la caricature peu flatteuse de L’archevêque de Rheims (fig. 3). Cette estampe imprimée en couleurs appartient à la série de 24 gravures satiriques anticléricales et anti-françaises, dessinées pour la plupart par Cornelis Dusart (1660-1704), et publiées en 1691 sous le titre : Les Héros de la Ligue ou La Procession monacale conduite par Louis XIV pour la conversion des protestants de son royaume. Cet ouvrage fut publié en réponse à la révocation de l’édit de Nantes en octobre 1685, interdisant le protestantisme en France. Les portraits ridiculisent les ecclésiastiques catholiques qui étaient les acteurs majeurs de la répression des Protestants. L’archevêque, avec ses joues rouges et sa mitre ornée de cartes, de dés et de pipes à tabac, semble être un homme plus susceptible d’être séduit par les plaisirs de la vie que par une pratique religieuse pieuse. 4a. Adriaen van Ostade (Haarlem 1610 – 1685 Haarlem), Un couple de paysans en balade, vers 1647 Plume et encre brune, lavis gris et brun. – 70 × 56 mm Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-T.10 4b. Adriaen van Ostade (Haarlem 1610 – 1685 Haarlem), Un couple de paysans en balade, vers 1647 Eau-forte. – 79 × 64 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-P.9 Le maître de Dusart, Adriaen van Ostade (1610-1685), fut un précurseur important dans le genre de la caricature. Réputé pour ses représentations de paysans et de scènes d’auberge animées par la consommation d’alcool et de tabac, l’imagerie populaire de Van Ostade fut largement diffusée par le biais de ses gravures autographes et de ses nombreuses peintures. La Fondation Custodia a complété son fonds par ce rare dessin préparatoire pour l’eau-forte connue comme Couple de paysans (fig. 4a-b). Les contours ont été incisés et le verso de la feuille frotté à la sanguine afin de reporter le dessin sur la plaque de cuivre. La feuille illustre ainsi le processus de création des estampes. 5. Karl Johan Lindström (Linköping 1800/01 – 1846/49 Naples), Un artiste anglais dessinant en plein air, 1830 Aquarelle sur un tracé au graphite. – 208 × 267 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-T.68 Le choix se termine par le portrait railleur d’un gentleman-peintre anglais par l’artiste suédois Karl Johan Lindström (vers 1800/01-vers 1846/49) (fig. 5). Dans un ensemble de quatre aquarelles vivantes, Lindström représenta des artistes de diverses nationalités, caractérisés par leurs différentes approches de la peinture de paysage en plein-air – thème cher à la Fondation Custodia. Cet Anglais, plutôt chiquement vêtu, scrute le paysage à l’aide de lunettes fantasques, tandis qu’il est entouré de toutes sortes de télescopes et d’outils de mesure, faisant sans doute référence à son approche trop rigide de son art. Cette petite sélection rassemble quelques-unes des dernières acquisitions de Ger Luijten. Elles ne sont qu’un échantillon du large éventail de ses intérêts pour le monde de l’art, à travers les époques, les écoles et les médias. Ses diverses acquisitions étaient toutes unies par l’originalité, le sens artistique et la rareté qu’il percevait dans ces œuvres, mais surtout par sa curiosité insatiable pour l’histoire de l’art et l’humanité. Saskia van Altena
La vitrine des acquisitions Hiver 2024 Régulièrement, la vitrine du vestibule de l’hôtel Turgot se garnit d’une nouvelle sélection parmi les œuvres récemment acquises par la Fondation Custodia. 1. Dominique Vivant Denon (Chalon-sur-Saône 1747 – 1825 Paris), Autoportrait avec un bonnet de nuit, vers 1780 Eau-forte. – 73 mm (diam.)Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-P.25 Cet hiver, c’est d’abord le visage rond et rayonnant du jeune Dominique Vivant Denon (1747-1825) qui attire l’attention (fig. 1). Vêtu d’un bonnet de nuit, l’homme au sourire espiègle nous montre du doigt, comme s’il venait de faire une blague à nos dépens. Une impression rare de l’un des premiers autoportraits de Denon, qui se distingue par son attitude amusante. Denon, qui avait alors environ 30 ans, était loin de se douter qu’il deviendrait l’un des acteurs les plus importants du paysage culturel de son époque. À la fois graveur, écrivain, diplomate et archéologue, il fut nommé premier directeur du Louvre par Napoléon. 2. Odoardo Fialetti (Bologne 1573 – 1638 Venise), Trois hommes grimaçants, dans Tutte le parti del corpo humano, 1608 Eau-forte. – 110 × 154 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-P.62(17/38) Les trois hommes grimaçants nous lancent un regard plein de défi (fig. 2). Leurs visages capricieusement contorsionnés font partie du manuel de dessin d’Odoardo Fialetti, Tutte le parti del corpo humano (1608). Incluant une variété d’études anatomiques, de postures, ainsi que de typologies de visages humains, les images rassemblées dans cet album étaient vouées à être copiées par les artistes en herbe. La publication de Fialetti – un rare exemplaire dans son état d’origine – est un ajout bienvenu dans la collection de la Fondation Custodia, qui possède un riche fonds de livres à dessiner. 3. Jacob Gole (Paris 1665 – 1724 Amsterdam) d’après Cornelis Dusart (Haarlem 1660 – 1704 Haarlem), Portrait de Charles Maurice Le Tellier, archevêque de Rheims, dans Les Héros de la Ligue ou la procession monacale, 1691 Mezzotinte. – 143 × 106 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2022-P.81(5/26) Ces trois trognes ne sont dépassées dans leur bizarrerie que par la caricature peu flatteuse de L’archevêque de Rheims (fig. 3). Cette estampe imprimée en couleurs appartient à la série de 24 gravures satiriques anticléricales et anti-françaises, dessinées pour la plupart par Cornelis Dusart (1660-1704), et publiées en 1691 sous le titre : Les Héros de la Ligue ou La Procession monacale conduite par Louis XIV pour la conversion des protestants de son royaume. Cet ouvrage fut publié en réponse à la révocation de l’édit de Nantes en octobre 1685, interdisant le protestantisme en France. Les portraits ridiculisent les ecclésiastiques catholiques qui étaient les acteurs majeurs de la répression des Protestants. L’archevêque, avec ses joues rouges et sa mitre ornée de cartes, de dés et de pipes à tabac, semble être un homme plus susceptible d’être séduit par les plaisirs de la vie que par une pratique religieuse pieuse. 4a. Adriaen van Ostade (Haarlem 1610 – 1685 Haarlem), Un couple de paysans en balade, vers 1647 Plume et encre brune, lavis gris et brun. – 70 × 56 mm Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-T.10 4b. Adriaen van Ostade (Haarlem 1610 – 1685 Haarlem), Un couple de paysans en balade, vers 1647 Eau-forte. – 79 × 64 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-P.9 Le maître de Dusart, Adriaen van Ostade (1610-1685), fut un précurseur important dans le genre de la caricature. Réputé pour ses représentations de paysans et de scènes d’auberge animées par la consommation d’alcool et de tabac, l’imagerie populaire de Van Ostade fut largement diffusée par le biais de ses gravures autographes et de ses nombreuses peintures. La Fondation Custodia a complété son fonds par ce rare dessin préparatoire pour l’eau-forte connue comme Couple de paysans (fig. 4a-b). Les contours ont été incisés et le verso de la feuille frotté à la sanguine afin de reporter le dessin sur la plaque de cuivre. La feuille illustre ainsi le processus de création des estampes. 5. Karl Johan Lindström (Linköping 1800/01 – 1846/49 Naples), Un artiste anglais dessinant en plein air, 1830 Aquarelle sur un tracé au graphite. – 208 × 267 mmFondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2023-T.68 Le choix se termine par le portrait railleur d’un gentleman-peintre anglais par l’artiste suédois Karl Johan Lindström (vers 1800/01-vers 1846/49) (fig. 5). Dans un ensemble de quatre aquarelles vivantes, Lindström représenta des artistes de diverses nationalités, caractérisés par leurs différentes approches de la peinture de paysage en plein-air – thème cher à la Fondation Custodia. Cet Anglais, plutôt chiquement vêtu, scrute le paysage à l’aide de lunettes fantasques, tandis qu’il est entouré de toutes sortes de télescopes et d’outils de mesure, faisant sans doute référence à son approche trop rigide de son art. Cette petite sélection rassemble quelques-unes des dernières acquisitions de Ger Luijten. Elles ne sont qu’un échantillon du large éventail de ses intérêts pour le monde de l’art, à travers les époques, les écoles et les médias. Ses diverses acquisitions étaient toutes unies par l’originalité, le sens artistique et la rareté qu’il percevait dans ces œuvres, mais surtout par sa curiosité insatiable pour l’histoire de l’art et l’humanité. Saskia van Altena