11. Jan van der Meer I

Haarlem 1628 – 1691 Haarlem

Paysage avec une auberge, au bord d’une route boisée

Ce dessin joua un rôle essentiel dans l’identification d’un groupe de paysages réalisés dans les années 1650-1660, souvent rapprochés de l’œuvre du célèbre peintre néerlandais Jacob van Ruisdael (1628/1629–1682), mais qui s’avère faire partie de la production d’un autre paysagiste bien moins connu. En 1980, l’historien de l’art Jeroen Giltaij, dans son important article sur les dessins de Ruisdael, regroupait toute une série de petits paysages sous le nom de « Problem Group I1 ». Extrêmement proche des dessins du maître produits pendant ses années à Haarlem2, notamment dans la manière d’employer magistralement la pierre noire rehaussée de lavis gris, de moduler la lumière, de restituer le feuillage des arbres ou de suggérer des nuages par des traits horizontaux, Giltaij relève que ce groupe de dessins s’en différencie cependant par un trait plus schématique.

Comme Ruisdael, l’artiste a été inspiré par les paysages autour de la ville de Haarlem3. Ici, il représenta une route boisée avec une auberge que le panneau au-dessus de la porte permet d’identifier comme telle. À droite, une barrière mène à un champ ouvert avec au loin des maisons et dunes. Cette auberge est probablement De Stinkende Emmer le seau puant »), une célèbre étape sur la route entre Zandvoort et Haarlem, qui existe encore de nos jours sous le nom plus avenant t Wapen van Kennemerland les armoiries de Kennemerland »). C’est là que se reposaient les femmes de pêcheurs après une journée épuisante à transporter à travers les dunes des sceaux remplis de poissons fraîchement pêchés jusqu’au marché de la ville. Elles laissaient leurs seaux vides à l’extérieur, sans doute par hygiène, habitude qui donna probablement le nom de l’auberge au XVIIe siècle.

En 2006, le rapprochement, d’une part, de ce dessin avec ceux du « Problem Group I » et, d’autre part, avec un tableau portant une signature représentant une route le long de cette même auberge dans un paysage sensiblement identique4 a permis d’attribuer l’ensemble de ces œuvres à Jan van der Meer I. Formé auprès du peintre Jacob de Wet I (vers 1610–1677/1691) à Haarlem, Jan van der Meer I, connu aussi sous le nom de Jan Vermeer van Haarlem, fut reçu membre de la guilde des peintres en 1654 et y exerça différentes fonctions5. Selon toute vraisemblance, il devait connaître Ruisdael qui travaillait dans cette ville à la même époque et a su s’en inspirer.

Marleen Ram

1Jeroen Giltaij, «  Tekeningen van Jacob Ruisdael  », Oud Holland, vol. XCIV, n° 2/3, 1980, p. 177-178.

2Giltaij 1980, op. cit. (note 1), p. 148-149  ; et Seymour Slive, Jacob van Ruisdael. A Complete Catalogue of His Paintings, Drawings and Etchings, New Haven, 2001, p. 493-524, nos D1-D43, repr.

3Comme par exemple le dessin Vue de Haarlem, prise des dunes du côté sud, Paris, musée du Louvre, inv. 23017, pierre noire, rehauts de lavis gris, 164 × 239 mm  ; Frits Lugt, Musée du Louvre. Inventaire général des dessins des écoles du Nord : École hollandaise, Paris, 1931, vol. II, n° 670, repr., comme «  Jacob van Ruisdael  »  ; Slive 2001, op. cit. (note 2), p. 686, n° dubD36, repr., comme «  anonyme  ».

4Localisation actuelle inconnue (huile sur toile, 81,9 × 84,4 cm)  ; Jeroen Giltaij, «  Tekeningen van Jan (I) van der Meer van Haarlem  », Oud Holland, vol. CXXII, n° 2/3, 2009, p. 151-152, fig. 8.

5Giltaij 2009, op. cit. (note 4), p. 152.